Droit médical : Le manque d’information avant une opération donne droit à une compensation

Droit médical : le manque d’information avant une opération donne droit à une compensation

June 30, 2017

Aurélien RACCAH et Diane DE CHARETTE

Le 11 mai 2017, le tribunal administratif de Paris s’est prononcé sur la responsabilité de l’AP HP dans le cadre d’une affaire de négligence médicale.

Le demandeur avait été victime en juillet 2012 d’un accident de moto au cours duquel son poignet avait subi une fracture complexe, requérant une intervention urgente, qui, faute de place, fut effectuée deux jours plus tard, à l’hôpital Bichat, sans que le patient n’ait été informé des risques. Dans les jours suivant l’opération, qui consistait en la pose d’une plaque anatomique antérieure verrouillée, celui-ci s’est plaint de violentes douleurs. En dépit de plusieurs consultations au cours desquelles le patient a fait part de sa gêne – auprès des internes de l’hôpital Bichat, puis du chirurgien-, il a toutefois été décidé de maintenir en place le dispositif et de prescrire au patient, à plusieurs reprises, en dépit des réserves du kinésithérapeute, des séances de rééducation qui n’ont toutefois abouti qu’à l’aggravation des douleurs. Après une radiographie effectuée sur conseil du médecin traitant, le demandeur a fait retirer dans une clinique privée la plaque, dont deux vis entraient en contact avec les tendons. La douleur a toutefois persisté à la suite de l’opération. Le patient, faute de moyens, a dû reprendre son suivi auprès de l’hôpital Bichat, où il a subi une nouvelle opération des tendons. En l’absence d’amélioration de son état de santé, le demandeur, livreur de profession, a été contraint d’adopter un mi-temps thérapeutique, ce qui a considérablement réduit ses revenus, à quoi s’ajoute le coûteux suivi post-opératoire des douleurs et gênes continûment ressenties.

La demande visait à rétablir le préjudice patrimonial subi par le patient du fait de prétendues fautes médicales (dans la mauvaise pose des vis et de la prise en charge inadaptée des douleurs), de la perte de revenus qui s’en est ensuivie, ainsi que du préjudice moral lié au défaut d’information.

L’expertise médicale ordonnée par le juge n’a pas retenu la faute médicale, dans la mesure où le caractère complexe de la fracture était tel que le risque de syndrome douloureux régional complexe était également encouru en l’absence d’intervention chirurgicale.

Le patient a toutefois obtenu la condamnation de l’AP HP au versement d’une compensation financière de 1.000 Euros du fait du défaut de consentement éclairé, qui doit obligatoirement précéder toute intervention chirurgicale, les frais d’expertise et les dépens. Le tribunal n’a pas reconnu la perte de chance de refus de l’intervention, considérée comme impérieusement requise et urgente selon le rapport de l’expert, au risque de voir l’état du patient se dégrader rapidement. Le patient n’a ainsi pas perdu une chance de se soustraire à un risque encouru. Le tribunal administratif a reconnu la possibilité d’existence d’un « préjudice moral d’impréparation », consistant dans les troubles causés par le fait de ne pas avoir pris les dispositions personnelles face aux risques encourus. Il revenait toutefois au demandeur d’établir l’existence de ce préjudice.

Le tribunal administratif a en revanche accepté de présumer l’existence d’un préjudice moral au titre de la souffrance du patient ayant découvert a posteriori les risques de l’intervention, auxquels il n’avait pu se préparer.

Le tribunal administratif rend ainsi une interprétation stricte de l’article L. 1111-2 du code de santé publique, qui impose aux professionnels de santé un devoir d’information auprès des patients sur leur état de santé et la prise en charge possible de ceux-ci, y compris dans leurs implications. Seules deux exceptions absolvent les professionnels de leur devoir d’information : l’urgence ou l’impossibilité d’informer le patient. La condition d’urgence, alléguée ici par l’hôpital, n’était pas remplie, alors que l’opération, faute de place, avait été reportée deux jours après l’accident.

Cet arrêt démontre ainsi qu’indépendamment de la réparation du préjudice du fait d’une faute médicale, plus rarement obtenue, les patients peuvent espérer accéder à une compensation financière en cas de non-respect par les professionnels médicaux de leur devoir d’information, devoir dont les professionnels sont exonérés dans les seules conditions de stricte urgence ou impossibilité de communiquer avec le patient. Les patients s’étant vus privés de leur droit à un consentement éclairé avant une opération peuvent ainsi prétendre à une compensation de leur préjudice d’impréparation, du fait d’une part d’une souffrance morale qui peut être présumée, et du fait des troubles liés à l’impossibilité de prendre les dispositions personnelles nécessaires dans l’éventualité de la réalisation d’un risque (troubles qui doivent être établis par le patient dans sa requête).

Aurélien RACCAH/Diane DE CHARETTE

Sources : Tribunal Administratif de Paris, 6e section, 3e chambre, X/APHP (Bichat), décision du 11 mai 2017, R.G. : 16/06558.

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