Reconnaissance des professions paramédicales européennes en France : le préfet doit motiver sa décision !

Un jugement du 7 janvier 2025 du tribunal administratif de Bordeaux fait désormais jurisprudence en matière de reconnaissance du titre de psychomotricien belge en France [1]. Pour la première fois, une juridiction administrative a enjoint au préfet de procéder à l’examen de l’équivalence du titre bachelier en psychomotricité belge. Huit jours plus tard, après avis de la commission nationale des psychomotriciens, le Préfet de la région PACA a délivré à l’intéressée une « attestation d’autorisation d’exercice de la profession de psychomotricien ».

La requérante, de nationalité française, représentée par ELEA AVOCAT, a poursuivi des études supérieures à la Haute école Léonard de Vinci, à Bruxelles, où elle a obtenu, en 2017, le diplôme intitulé « grade académique de Bachelier en psychomotricité ». A plusieurs reprises, elle a réalisé des stages en France. Elle a enfin, pendant plus de sept ans, exercé sa profession dans deux hôpitaux belges. La requérante disposait ainsi d’un dossier solide au soutien de sa demande d’équivalence. Ses qualités tiennent à son expertise et à ses expériences professionnelles dans les deux pays. Car l’analyse comparative s’effectue au cas par cas. Il ne faudrait pas interpréter cette affaire comme une reconnaissance de jure de toute requête relative à l’équivalence du titre belge.

Son obtention répond à une procédure administrative propre à la reconnaissance d’un titre de psychomotricien [2]. La première étape consiste à soumettre la demande à DREETS (Direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités) de la région du lieu d’implantation souhaitée. En l’espèce, celle-ci était soumise au Préfet de la région Nouvelle-Aquitaine. Ce dernier dispose d’un délai d’un mois pour en accuser réception et de quatre mois pour y répondre. Le silence gardé par le préfet à l’expiration de ce délai vaut « décision de rejet de la demande », ce qui était le cas en l’espèce. Dans une deuxième étape, la requérante a soumis un recours hiérarchique qui n’a pas été plus fructueux. En troisième et dernière étape, le 31 mars 2023, a été initié un recours pour excès de pouvoir devant le tribunal administratif de Bordeaux. Le jugement a été rendu vingt-et-un mois plus tard.  

Les autorités françaises tiennent une position politique virulente à l’encontre des titres belges de psychomotricien. Dès 2016, le ministère des affaires sociales et de la santé en fixait clairement les contours : « malgré les mises en garde, nombreux sont les étudiants français qui poursuivent un cursus en Belgique, cursus qui ne peut donner lieu à une équivalence car ni la formation, ni la profession de psychomotricien ne sont réglementées en Belgique » [3]. L’Etat français considère que la profession de psychomotricien en France ne recouvre que des activités thérapeutiques alors que le bachelier en psychomotricité ne formerait qu’à des activités pédagogiques. Dans l’affaire présentée à Bordeaux, le Préfet a repris cette argumentation, se référant à la loi belge du 10 mai 2015 pour rappeler que les psychomotriciens belges ne sont pas des professionnels de santé.

Dans sa défense, la préfecture a également tenté d’interpréter en sa faveur la jurisprudence Stiernon de la Cour de justice de l’Union européenne qui mentionne que « la profession de psychomotricien n’étant pas reconnue en tant que profession paramédicale par l’État belge, il est interdit aux psychomotriciens, sous peine de sanctions pénales, d’accomplir des actes relevant de l’art de guérir, à savoir des actes à visée thérapeutique » [4]. La requérante à l’instance a pointé l’erreur manifeste d’interprétation. L’absence de reconnaissance en tant que profession paramédicale en Belgique ne répond pas à la question de l’autorisation d’exercer dans un autre Etat. La ligne française a été battue en brèche.

Sur la forme, le tribunal administratif a rappelé au préfet de région son obligation de motiver en droit sa réponse dans le délai imparti, en saisissant préalablement la commission nationale des psychomotriciens. Dans le jugement du 7 janvier 2025, les juges ont enjoint au préfet de se positionner dans un délai de deux mois.

Sur le fond, l’avis de cette dernière doit nécessairement procéder à une étude du dossier en comparant la formation suivie avec le cursus français et analyser les expériences professionnelles au regard des exigences nationales. A cet égard, la loi française, en application de directives européennes relatives à la reconnaissance des diplômes dans l’UE [5], permet au préfet de région d’autoriser l’exercice de la profession de psychomotricien à tout ressortissant européen qui serait titulaire d’un diplôme équivalent ou, si la profession n’y est pas réglementée, d’une formation assortie de plusieurs années de pratique professionnelle. Il est prévu que des mesures de compensation (stage d’adaptation, épreuve d’aptitude…) puissent être proposées à l’intéressé. En l’espèce, la requérante justifiait suffisamment avoir exercé sa profession pour y accéder directement.

En conclusion, les refus systématiques de l’Etat français doivent cesser. Les titulaires du titre de bachelier en psychomotricité belge, comme tout diplôme européen équivalent [6], sont en droit de demander une autorisation d’exercice en France.

Me Aurélien RACCAH

contact@eleavocat.eu


[1] TA Bordeaux, 7 janvier 2025, n°2301367, non publié.

[2] Article R.4332-9 du code de la santé publique.

[3] Sénat, Question écrite n°20623 – 14e législature, Réponse du Ministère des affaires sociales et de la santé publiée le 05/05/2016, Publiée dans le JO Sénat du 05/05/2016 – page 1865.

[4] CJUE, 18 juillet 2018, Pauline Stiernon e.a., aff. C-237/18, § 7, ECLI:EU:C:2018:630.

[5] Art. L.4332-4 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2001-199 du 1er mars 2001 relative à la transposition des directives 89/48/CEE du Conseil du 21 décembre 1988 et 92/51/CEE du Conseil du 18 juin 1992 prévoyant un système général de reconnaissance des diplômes d’enseignement supérieur et des formations professionnelles.

[6] CAA, 28 septembre 2009, n°07PA02142 (concernant le diplôme de psychomotricien en Italie).

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